Avant -première MIPTV : Orange abandonne les télécoms et se mue en groupe de médias

Plusieurs indices concordent depuis quelques jours sur le net, et le MIPTV en est le révélateur : Orange a décidé de passer le cap et de se muer en groupe de médias à la fois diffuseur, producteur et concepteur de formats.

C’est Bakchich qui lève le voile le premier sur cette mutation (qui pourrait faire penser à celle de Vivendi au temps du Web 1.0, mais en moins précipité) attendue pour demain, sous le nom « Inventer une nouvelle expérience de l’audiovisuel ».

En clair, Orange enterre le « télécom » pour devenir un groupe uniquement « télé », fortement orienté vers les médias numériques et la production audiovisuelle. Outre les premiers films de sa filiale Studio 37 et des chaines sur le bouquet Orange ADSL (comme Orange Sports), Orange mise sur trois axes :

  • sortir des canaux télécoms afin de devenir « Content Everywhere », et ne pas hésiter à investir de nouveaux territoires comme le mobile (avec le DVB-H, la TNT nomade) et le satellite (chasse gardée de Vivendi), au risque de voir les accords avec Canal Plus se tendre ;
  • investir dans la production via des structures adhoc (comme Studio 37) ou dans les droits de diffusion (football), afin de s’arroger des exclusivités et nourrir tous les écrans du Groupe ;
  • passer des accords stratégiques avec des acteurs du marché comme Warner Bros ou Fidélité, et ainsi lancer des chaines pluri-écrans (télé, mobile, ordinateur) comme Orange cinema séries ou VOD.

Pour boucler la boucle, on pouvait se demander il y a peu pourquoi Orange lachait PagesJaunes et ses participations dans TDF, mais gardait Viaccess (décodeurs numériques) et Globecast (diffusion satellite) : les choses sont désormais claires, le satellite est la « nouvelle frontière » de la marque, qui va peut-être ainsi pouvoir accélérer le déploiement d’offres sur les pays où elle est présente.

Orange n’est pas le premier acteur du marché à vouloir se lancer dans une stratégie « multi-content / multi-devices » : Vivendi, Time Warner… ont essayé avant, en vain. Ce qui est intéressant, c’est le sens pris par toutes les pièces du puzzle amassées depuis 2002 (des contenus à GOA jusqu’à la diffusion, et maintenant la prise de position dans la production). A l’époque d’ailleurs des rapprochements Wanadoo-francetélévisions et des prises de participation dans TPS avaient été envisagées, en vain.

Encore plus intéressant, le chemin parcouru par un « acteur historique » des PTT vers une stratégie tout numérique : nous sommes face à un vrai cas d’école de mutation de culture d’entreprise. A mon sens, le timing est bon, mais est ce que les usages et le marché sont prêts ?

La consommation de médias explose, mais c’est la consommation « asynchrone » qui fait de plus en plus sens aujourd’hui. La vraie révolution ne sera pas d’être présent sur plusieurs canaux en même temps pour y voir la même chose, mais de pouvoir proposer des contenus adaptés (selon les circonstances d’usages et les supports) de manière synchronisée : par exemple, commencer un film sur la télé, continuer en « time-shift » sur son mobile, proposer des contenus dont les caractéristiques et l’intéractivité peuvent différer d’un écran à un autre…

Dernière pierre à l’édifice : les communautés et le UGC. Quelle place pour cette expression spontanée ? La stratégie industrielle proposée ici relève d’un opérateur de type TF1 du numérique (en termes de force de frappe), mais comment va-t-elle s’interfacer avec la vitalité du web, voire l’enrichir ? Et le veut-elle vraiment ? Peut-être qu’un accord avec un YouTube, un Eyeka ou un DailyMotion (comme Neuf) pourrait-être le début d’une réponse, mais celle-ci n’est que partielle, car périphérique au coeur du sujet.

PS : cet article n’est pas un « publi-reportage » mais une analyse personnelle. Et je ne cache pas travailler pour Orange 😉

PPS : je vous conseille la lecture de cet article qui vous permettra de bien saisir tous les enjeux des évolutions autour de la télé et du numérique. Sans oublier celui-ci sur les medias 2.0.