Mission Olivennes – Article PCinpact

arobase.jpg Reprise intégrale de l’excellent article de PC inpact.

Ce post dans Stan & Dam est une reprise intégrale d’un article de PC inpact excellement bien argumenté. Il n’est pas l’oeuvre de Stan & Dam.

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Le flot médiatique de la mission Olivennes étant passé, des analyses un peu plus sereines peuvent être faites sur le rapport remis à Nicolas Sarkozy. Un rapport qui, selon les propos de ce dernier, va dans le sens d’un internet civilisé.

Riposte graduée contre le titulaire de la ligne

Prenons le cas de la riposte graduée dont les clefs sont dans la main d’une autorité indépendante. Pour résumer, le mécanisme repose sur un avertissement éducatif, voire très scolaire en cas de téléchargement. Contrairement à ce qui a pu être dit, le message n’est pas adressé au téléchargeur effectif, mais au titulaire de l’abonnement.

Les poursuites intentées contre le titulaire de l’abonnement seront fondées sur l’article L. 335-12(*) du code de la propriété intellectuelle, introduit par la loi DADVSI. Cet article oblige en substance le quidam détenteur d’un abonnement à sécuriser et blinder sa connexion.

De fait, lorsque le P2Piste et le titulaire de l’abonnement ne sont pas la même personne, c’est un cas de responsabilité pour autrui, plutôt rare en droit de la sanction. Les effets collatéraux ne sont pas minces puisque avec les offres triple ou quadri play, c’est tous les outils de communication (Internet mais aussi TV, téléphone fixe ou mobile) du foyer qui sont pulvérisés.

Supension de 15 jours, puis résiliation

Le message envoyé par notre autorité sera électronique (ce qui exigera un système de certificat solide faisant foi de sa bonne réception). Si malgré ce mail, les actes de téléchargement se poursuivent, l’autorité ordonnera seule ou après avoir saisi un juge, une interruption de l’accès à Internet. Selon différentes sources, cette suspension pourra durer jusqu’à 15 jours. Et si malgré tout la ligne est toujours utilisée pour le piratage, on passera à la résiliation du contrat Internet.

Pour chapeauter le tout, un casier judiciaire numérique sera tenu pour lister ces mauvais internautes. Intérêt pour les majors ? Ces détenteurs d’une ligne utilisée pour du téléchargement ne pourront pas aller frapper chez un FAI concurrent pour se refaire une virginité « Oliviennes ». Ils seront ainsi privés de tout accès au numérique. Des SDF du numérique, en somme.

Une double peine en lot de consolation

Reste que le mécanisme introduit un cas de double peine à peine voilée. Explications :

si l’autorité prend la sanction, sous contrôle du juge, on aura donc une sanction administrative de suspension ou résiliation.

Or, dans l’état du droit, cette sanction n’empêchera nullement une action au pénal que l’auteur d’un acte de contrefaçon peut encourir. De fait : l’internaute P2Piste propriétaire de sa ligne verra son abonnement résilié avec une procédure expéditive, mais sans pouvoir échapper à une action pénale pour contrefaçon. Au bout de la procédure pénale, un maximum de 300 000 euros d’amende et 3 ans de prison. C’est le régime classique du code de la propriété intellectuelle lesté par cette future DADVSI 2.

Il sera délicat de faire échapper le régime des contrefaçons commises par Internet à ce régime général. Souvenons-nous que Renaud Donnedieu de Vabre lui-même s’était cassé les dents sur un tel projet, devant le Conseil constutionnel.

Le rapport Olivennes note toutefois qu’ « il n’y a pas de difficulté au regard la règle qui interdit de sanctionner deux fois une même personne, dans la mesure où les décisions de l’autorité et celles du juge pénal visent à sanctionner la violation de deux règles différentes du code de la propriété intellectuelle (défaut de sécurisation du poste ; acte de contrefaçon) ». Reste que sur la joue de l’abonné, c’est bel et bien cette double claque qui sera infligée pour les mêmes faits.

Si c’est finalement le juge qui venait à prendre la sanction, après signalement de l’autorité indépendante, le rapport Olivennes estime qu’« on devrait notamment prévoir qu’une des peines (accessoires) dont le juge peut disposer serait la suspension ou la résiliation du contrat d’abonnement ».

Autre alternative : « Il pourrait aussi s’agir d’une amende contraventionnelle qui devrait être acquittée pour chaque acte de contrefaçon, ce qui pourrait conduire à des sanctions pécuniaires très fortes ».

À côté de la mission éducative de ces messages d’avertissement, le rapport Olivennes envisage donc clairement d’imposer une sanction pour chaque acte, chaque fichier téléchargé. Il suffirait alors à l’aide d’une simple calculatrice de multiplier le montant des fichiers par une amende pour obtenir la facture finale (là encore, les remarques concernant la décision DADVSI du Conseil Constitutionnel s’appliquent).

Les logs de connexion refont surface

Pour finir, le patron de la FNAC estime : « Nécessaire d’autoriser l’autorité à faire le rapprochement entre les données de connexion et le titulaire de l’abonnement sans intervention du juge, ainsi que de conserver des données de connexion ».

Résumons : avec une loi sur la lutte contre la contrefaçon qui autorise les organismes de défense des ayant droits (ALPA, etc.) à s’autosaisir, voilà donc une autorité qui pourra être chargée (peut-être) seule d’infliger des sanctions de suspension ou coupure de ligne, lesquelles seront éventuellement dédoublées par un cumul de contraventions ou du pack habituel des 3 ans de prison et 300 000 euros. Cette autorité pourrait enfin croiser le fichier des logs de connexions et celui des abonnés afin d’affiner son oeuvre, sans l’intervention judiciaire aujourd’hui requise.

« Il faut qu’Internet soit une fenêtre civilisée ouverte sur toutes les cultures du monde. Je suis heureux que votre accord soit une étape décisive en ce sens » concluait Nicolas Sarkozy, à la lumière des engagements pris les FAI, l’Etat et les majors.