Comprendre les enjeux et les conséquences d’Hadopi [PIRATAGE]

Cet article a été publié initialement dans la version française de ReadWriteWeb par le même auteur qui publie aussi sur Stan&Dam.

Ce 10 mars (outre être mon anniversaire 🙂 NDR) est le jour de présentation à l’Assemblée Nationale de la loi Hadopi (renommée Création et Internet). Cette loi répressive ouvrira, si elle est votée, des heures sombres pour l’internet français. Afin de bien comprendre le pourquoi d’une telle hostilité à son égard, ReadWriteWeb France vous propose une analyse des origines, des rouages et des conséquences de celle-ci. Et vous donne les moyens d’agir, car il est encore temps de montrer à Mme Albanel que nous ne sommes pas un groupuscule minoritaire.

Les origines de la loi

Notre confrère Mediapart explique dans une vidéo simple et pédagogique le pourquoi de cette loi, initiée par l’ancien patron de la FNAC (aujourd’hui au Nouvel Observateur), Denis Olivennes.

Pourquoi Hadopi entretient un faux débat ?

De nombreux documents plus ou moins synthétiques explicitent les raisons du faux débat entretenu par le vote de cette loi. Sous couvert de se défendre contre le piratage et vouloir « éduquer » les générations à venir, c’est une véritable boite de Pandore qui va être ouverte, venant en premier lieu remettre totalement en cause l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 au sujet de la présomption d’innocence.

Cette loi propose la mise en place de dispositifs techniques irréalistes ou extrêmement coûteux pour la collectivité et les FAI (6,7M€/an budgetés auxquels s’ajouteront des millions de frais d’identification et d’envoi de courriers électroniques), ravalés au rang de matons devant surveiller la bonne conduite de leurs clients, sans être vraiment sûrs de pouvoir discerner une « bonne » d’une « mauvaise » conduite.

Et tout cela sans que l’argent collecté des amendes aillent régénérer le système en versant des royalties aux ayant-droits téléchargés : aucun système de compensation n’est prévu, ce qui parait inique pour une loi censée rétablir l’ordre et la justice pour les artistes bafoués !

Enfin, ce système atteindrait à la neutralité du net, par une surveillance généralisée des flux échangés. Pour cela, le gouvernement agite (en prenant soin de bien mélanger les sujets) la lutte contre la pédopornographie, ou bien attaque les sites de streaming (si n’ont rien à voir avec le sujet initial de la loi) et la « Free Culture » via a voix de stars telles que Luc Besson.

Quels modèles alternatifs seraient possibles ?

Tout d’abord, aucune étude à ce jour n’a réussi à prouver le bien fondé d’un lien direct et durable entre baisse des ventes de musique et piratage. ReadWriteWeb France s’est en déjà fait l’écho en démontant la seule étude servant de base à tout l’argumentaire des lobbies pro-Hadopi en France, ou dans cette interview de Patrick Waelbroeck.

Il faut bien comprendre qu’Hadopi cherche à colmater les brèches d’un système à bout de souffle, qui ne sait pas comment se régénérer. Plutôt que de profiter de cette opportunité pour tenter de créer de nouveaux modèles basés sur le principe d’économie de l’immatériel et tirant profit de ses caractéristiques intrinsèques (une démultiplication des contenus à un coût marginal quasi-nul), la loi Hadopi essaye de faire perdurer le principe de l’économie du matériel basée sur une logique de rareté. Or ce dernier point est en total antagonisme avec le monde du numérique, par sa nature même. François de Bernard en explique d’ailleurs brillament toutes ces évolutions.

De plus, le système peut-être porteur de création de valeur et de richesses, comme Serge Soudoplatoff le rappelle en citant des études et articles de Roberto di Cosmo ou Kevin Kelly (l’un des deux fondateurs de Wired).

Que faut-il craindre si la loi Hadopi est votée ?

L’ISOC (le chapitre français de l’Internet Society) a dressé un document très complet (version web) faisant un descriptif chronologique des évènements susceptibles d’intervenir une fois cette loi votée : failles juridiques, erreurs dans les internautes pénalisés, développement de nouvelles techniques d’échanges encore plus indétectables, mise en place d’échanges « physiques » via clé USB, verrouillage de réseaux publics, effets de « promotion virale » négatifs, et au final un répression encore plus forte.

Les effets de bords peuvent-être nombreux, à l’image de certains FAI qui déclarent déjà que tout investissement dans la fibre serait une porte ouverte à l’augmentation du piratage !

Suivant cette logique, il n’aurait jamais fallu développer l’ADSL, et ainsi faire de la France l’un des pays les plus connectés d’Europe en haut-débit, avec les répercussions incontestables en termes économiques sur nos entreprises. Plus de la majorité sont des PME du secteur terciaire, la France étant le deuxième pays au monde derrière les Etats-Unis dans le secteur des services : ce sont ces entreprises qui ont le plus besoin des opportunités de réseaux, pas l’industrie lourde ou l’agriculture.

Que faire alors que le vote se profile ?

Il ne faut pas hésiter à écrire à son/sa député(e) pour lui expliquer la dangerosité de la loi Création & Internet, qui va avoir les effets contraires à ceux recherchés : apparition d’un « darknet » réellement invisible des censeurs et répressions abusives de citoyens pour des raisons qu’ils ignoreront la plupart du temps, sans capacité de pouvoir prouver le contraire.

La quadrature du Net explique par le détail sur son wiki la marche à suivre pour écrire à son représentant, tandis qu’un groupe facebook créé pour l’occasion propose à tout citoyen se sentant concerné par la question de venir assister aux débats à l’Assemblée Nationale.

Mais est-il vraiment sûr que cette loi soit votée ?

Le gouvernement semble, lui, en être certain, bien que certains des membres de la majorité semblent hostile au projet. Pour preuve, cette indiscrétion de notre confrère PCINpact qui publie le pré-appel d’offre pour la mise en place du système de riposte graduée… alors que la loi n’est pas votée.

Enfin, notons le service commandé de Chritine Albanel sur le sujet, tandis que côté prospective et numérique ni Nathalie Kosciusko-Morizet ni son prédécesseur Eric Besson n’osent prendre position sur la question (et on peut les comprendre).

Il ne vous aura pas échappé que Mme la Ministre se contredit en tout début d’interview en expliquant que nous avons le cinéma le plus fort d’Europe (avec une croissance exceptionnelle en 2008 tandis que « les Ch’tis » étaient le film le plus téléchargé, preuve que cela n’est pas antagoniste) et en pourfendant ensuite le piratage qui serait le vice de destruction de l’édifice.

Peut-être que finalement nous avons moins acheté de musique pour aller au cinéma, ou faire atre chose. Ce qui serait logique en ces temps de moindre pouvoir d’achat, mais impensable et trop simpliste pour une industrie culturelle aux abois.