Les médias sociaux sous surveillance

La fin d’année est toujours un moment propice aux grands rassemblements d’hiver et variés parlant de web et médias numériques. L’intérêt de ce type de conférences est de sentir la « tendance » et les préoccupation du moment des « professionnels de la profession ».

Côté LeWeb, ça donne le thème des plateformes, sujet finalement assez générique mais qui donne une bonne vision du sens qu’est en train de se donner le web avec des zones d’attractions applicatives et agrégatives comme certains OS ou Facebook.

Mais un autre sujet a attiré mon attention : cachée juste le lendemain de LeWeb (les 8 et 9 décembre), la conférence Monitoring Social Media (vendredi 10 décembre à Paris) reprend une partie des intervenants de la conférence de Loic le Meur pour un sujet très différent : la surveillance des médias sociaux.

« C’est quoi le ROI ? »

Ahhhhh… Voilà LA question qui revient tout le temps dès que l’on parle de réseaux et médias sociaux grand public (facebook, twitter, blogs…) et professionnels (Jive, blueKiwi, SocialText…) : c’est quoi le retour sur investissement de tout ça ?

Autant vous dire que les marketeurs de tous poils se les arrachent pour essayer de répondre à cette question posée par absolument TOUTES les marques et les annonceurs. Autant vous le dire, posée comme cela la question me fout des boutons car c’est bien souvent un a-priori de défense vis-à-vis d’un modèle que ne comprennent pas les annonceurs car ils ont une sensation de perte de contrôle. Ils ont peur, au choix : que leur message soit déformé, que leur marque soit détournée, leur campagne ridiculisée, bref que les gens osent dire des gens.

Hey ! Mais c’est la vraie vie les gars, ce que se racontent les gens autour d’une table quand ils parlent de leur dernier achat ! Va falloir apprendre à lâcher prise et se dire que le net peut apporter aussi de belles choses à une campagne de communication (la reconnaissance, l’inscription dans le temps, de la réputation…), et surtout vus dire que si vous faites une campagne sympa et originale au pire ça ne marchera pas, au mieux ça cartonnera. Mais elle ne sera pas forcément étrillée.

Mais revenons à la question : alors, c’est quoi le ROI des médias sociaux ? Traduction : « quel intérêt ai-je à aller sur ces trucs où les gens se parlent, parce qu’en plus il va me falloir les écouter et leur répondre, ça va me bouffer des ressources tout ça ! ».  Ben oui. Bienvenue dans le web 2.0.

Vous n’avez pas répondu à la question

Ok, c’est vrai. La vérité est que tout est à faire, et qu’évaluer un retour financier immédiat sur une campagne est difficile. Faisable, mais difficile car non immédiat, diffus, s’étalant dans le temps…

Donc, regardons ce que les spécialistes de la question proposent en attendant. Si l’on prend Brian Solis, l’une des personnes les plus en pointe sur le sujet et qui ne soit pas un bullshiteur en chef,

Les médias sociaux inspirent une nouvelle forme d’intelligence. Avec l’abondance des outils d’écoute et de surveillance disponibles aujourd’hui sur le marché, les entreprises ont accès à des informations et une veille en temps réel. Pouvoir savoir qui dit, pense et partage des informations motive les entreprises à créer des infrastructures visant à découvrir et suivre les conversations qu’elles jugent dignes d’intérêt. Mais écouter n’est pas suffisant. (…)  Le futur repose dans la capacité à initier les conversations, et non pas juste y répondre. C’est un « clic pour action » et la capacité d’inspirer l’action et de la mesurer doit être au centre de toute l’activité online. Les entreprises, en intégrant la performance et les systèmes de mesure pourront progresser vers une nouvelle posture de leadership. C’est pourquoi les entreprises commencent à rentrer en compétition pour le partage des idées et des sentiments et pour conserver une pertinence d’analyse dans le temps.

Ce passage résume bien l’enjeu pour les entreprises. Ici, point de promesses de revenus immédiats via les conversations, pas d’augmentation des vente automatique. On va commencer par le commencement : chères entreprises, commencez par apprendre à écouter. Mais vraiment. En mettant des personnes dédiées et formées à cela, et pas pour 6 mois le temps d’un stage. Non, un vrai poste.

Commencez dans le même temps à mesurer. Mesurer quoi ? Ce qui se dit, les récurrences, comment l’information se diffuse dans le temps. Prenez votre temps, le powerpoint pour votre COMEX attendront un peu.

Surveiller pour essayer d’en faire quelque chose

Ceci sous-tend à la surveillance généralisée des médias sociaux. Bingo, c’est exactement ce qui va se passer. Attendons à être mouché et surveillé de toutes parts, scrutés tel une fourni sous un microscope. Les entreprises vont avoir besoin de savoir qui nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous aimons, pourquoi, avec qui, qu’est ce qui a fait que… Elles le font déjà (via Goolge sur le net, des enquêtes d’opinion dans la vraie vie…). Les médias sociaux ont pour eux d’être très qualitatifs dans leur approche, avec beaucoup de verbatims. C’est le quali vs le quanti. Tout l’enjeu est là : la mesure devrait permettre de réconcilier les frères ennemis du marketing, le quali vs le quanti.

Mais surveiller… pour quoi ?

D’où les demandes des entreprises. D’où la volonté de Facebook ou Apple d’ériger un modèle semi-ouvert (sous formes de plateformes, on y revient) où sont les maîtres des données. Le web étant, par nature et essence, très décentralisé, la récolte des informations et la mesure globale sont d’autant plus difficiles à gérer. pas impossible, mais complexe. D’où la tendance à avoir des modèles plus puissants qui gardent une partie des données. Mais on final on en revient au même : surveillance généralisée.

S’il y a une bonne question à se poser, c’est celle-ci. Arrêtons de vouloir poser comme pré-requis de vouloir du ROI ou des tonnes de mesure, la seule question qui vaille est « pour quoi mesurer ? = quels sont vos objectifs ? ». En fonction de ce que vous voulez atteindre, inutile de prendre quatre pages de tableau excel, quelques métriques judicieusement choisies peuvent suffire. A ce moment là, oui il faudra surveiller et mesurer, mais à bon escient.

Alors, bien sur, reste la question « et si je n’ai pas envie d’être mesuré ». Soyons conscients et honnête : si tous ces services sociaux existent, c’est que la mesure et la vente des données permet d’assurer leur vie.

A moins que Diaspora